Madame la Ministre,

Le 30 mai dernier, la DGCA a organisé une réunion de présentation de l’état d’avancement du projet gouvernemental tendant à mettre en place un « pass culturel » à destination des jeunes de 18 ans. Cette réunion, à laquelle les organisations membres de l’USEP-SV n’étaient pas conviées, rassemblait les labels des 4 départements pilotes dans lesquels se déroule une première phase test avant une phase d’expérimentation plus large à l’automne.

Le projet présenté par Mme Céline Léger-Danion, votre conseillère en charge de l’éducation artistique et culturelle, nous a donné le sentiment d’avancer à marche forcée, révélant expressément la volonté de ne « pas le soumettre à des années de concertations ».

Pourtant, le « pass culturel » tel qu’il semble vouloir se mettre en place, opère une rupture radicale dans le cadre des politiques publiques de la culture. Il inverse les termes de la politique de l’offre et de la demande, il positionne les acteurs du service public de la culture dans une concurrence directe et frontale avec les grands opérateurs du privé et avec les industries culturelles de loisir. Il met en cause les politiques de développement des publics mises en œuvre par les opérateurs culturels subventionnés, dans le cadre de partenariat multiple, et notamment au premier chef celui avec les collectivités territoriales. Il formule ainsi une remise en cause de l’action pourtant portée par votre ministère, dans le champ de l’éducation artistique et culturelle. Enfin, le projet de pass du Gouvernement part d’un postulat, jamais débattu, que la question de l’accès à la culture des jeunes est d’abord un problème économique et technologique avant d’être un sujet éminemment symbolique, marqué des freins bien connus d’accès par les mécanismes généraux d’exclusion sociale.

Les questions sont nombreuses et elles ont été largement pointées par l’ensemble des labels et des organisations représentatives participant à la rencontre du 30 mai. La méthode dite « incrémentale » que vous prônez, donne le sentiment, à ce stade, que les expressions contradictoires sont niées d’un revers de main, et que les problèmes à venir seront également mis sous le tapis.

Comme elles l’ont indiqué lors de cette rencontre, les organisations membres de l’USEP-SV déplorent la méthode, contestent la philosophie du projet et prennent date : les phases en cours test et expérimentation – annoncées d’ici la fin de l’année, doivent faire l’objet d’un partage transparent des données récoltées, avant toute tentative de généralisation. Il apparaît essentiel qu’une concertation véritable s’organise à l’issue de l’expérimentation, et qu’y soient associés les organisations représentatives, les associations d’élus représentant les collectivités territoriales, et les services de l’éducation nationale.

Enfin, lors de cette réunion, aucune information relative au financement de ce projet n’a été indiquée. Le plafond annuel de dépenses envisagées expressément cité par votre conseillère, de 400 millions d’euros, s’il ne doit jamais être atteint, donne toutefois un ordre de grandeur qui stupéfie dans le contexte malthusien qui nous est systématiquement opposé. Vous comprendrez que cet aspect n’est pas un détail et qu’il nécessite d’être précisé avant même toute phase de généralisation.

L’USEP SV formulera des propositions innovantes sur l’ensemble des questions relatives à la refondation des politiques publiques de la culture, et traitera des enjeux de la jeunesse, de sa force prescriptrice, et du besoin de construire avec elle ; ses adhérents sont pleinement mobilisés pour répondre à cet enjeu qu’ils ont abordé depuis déjà fort longtemps, dans une relation humaine et partenariale.

Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l’expression de notre parfaite considération.

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